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Ecrits

L'approche Snoezelen. 

Partage d'une expérience de son application en institution psychiatrique.

Jean-Marc Priels 2004

 

 

Il est très difficile d’expliquer en quelques mots en quoi consiste l’approche  Snoezelen. 

 

Snoezequoi ? - Quekseksa ?  - Kesako ? 

 

Vous ne voyez toujours pas de quoi il s’agit ? 

 

Rien de plus normal. Snoezelen est une expérience plus qu’un lieu ou un espace aménagé. L’espace, d’ailleurs, est secondaire et n’est qu’un moyen.  La définition (1)dans l’encadré ci-dessous éclaire-t-elle mieux votre lanterne ?  

 

 

 

Snoezelen est une expérience (sensorielle) personnelle et subjective. Ce type d’expérience inclut une attitude inter-relationnelle dans un milieu naturel ou non et a comme composante fondamentale la sensorialité de la personne en tant que moyen de sécurisation, de réduction de ses tensions, de motivation à son action, de réalisation de son être. 

 

  Quelle histoire !

 

L’approche Snoezelen provient de Hollande. Deux travailleurs, Jan Husselge et Ad Verheul, rencontrant quotidiennement des personnes profondément handicapées mentales, ont imaginé Snoezelen comme une « activité vécue » . Leur objectif était de trouver une voie qui allait permettre d’aboutir à une réelle communication partagée avec des personnes handicapées mentales sévères. 

 

Ce n’est qu’ensuite que l’activité a trouvé des applications auprès d’autres populations, notamment avec des personnes désorientées ou démentes séniles, puis en psychiatrie. En psychiatrie, Snoezelen a fait son entrée, entre autres, comme une activité de relaxation offrant la possibilité d’un moment de vie authentique dans une ambiance chaleureuse. Cette activité n’y est cependant encore exploitée qu’à un stade d’ébauche (2).

 

A la Clinique Sans Souci, c’est au sortir d’un groupe de parole (3) que des patients ont attiré notre attention sur le fait que la plupart des activités proposées dans le pavillon étaient essentiellement verbales et que la dimension psycho-corporelle était moins exploitée. Nous avions aussi découvert le modèle repris dans le schéma (4) ci-dessous. Il nous a fait prendre conscience du fait que le travail thérapeutique mené à la clinique se déroulait essentiellement suivant l'axe du cognitif (groupes de paroles, entretiens, etc.), suivant l'axe des sensations corporelles (activités sportives, piscine, kinésithérapie, etc.), et suivant imaginatif (groupe dessin, atelier peinture, art-thérapie, etc.). L'émotionnel en soi est alors accueilli et exploité par les thérapeutes en tant que manifestation occasionnelle exprimée dans le cadre de ces axes. 

 

 

Le schéma fait clairement apparaître que, dans le processus thérapeutique qu'elles mettent en place, l'approche centrée-sur-la-personne et le focusing portent attention à l'exploration de l'expériencing implicite du client. En travaillant dans l'écoute de l'axe cognitif, l'approche centrée-sur-la-personne n'en reste pas strictement au rationnel. Appliquée dans l'axe imaginatif et dans l'axe des sensations corporelles, elle ne se limite pas uniquement aux aspects des techniques artistiques ou sportives employés. La notion de subception ou encore celle de congruence par exemple indique bien combien l'approche est bien centrée sur la totalité de l'expérience, que celle-ci soit consciente ou inconsiente, implicite ou symbolisée, figée ou en mouvement. 

 

La lecture de ce schéma nous a aussi fait apparaître le fait que Snoezelen est une approche globale se trouvant initialement très précisément à la croisée de l'axe émotionnel et de l'axe corporel. C'est dans cette position que, inséré au programme thérapeutique de l'hôpital, Snoezelen est devenu un outil favorisant la prise en compte par le patient de sa propre dimension expérientielle interne. Ainsi nous a-t-il semblé que l'approche Snoezelen correspondait bien à la demande des patients de pouvoir aborder la dimension psycho-corporelle. Nous avons alors adapté cette approche au cadre de l'institution psychiatrique pour l'intégrer progressivement à notre pratique psycho-thérapeutique non directive.

 

A l'usage, très rapidement, nous avons découvert tout le potentiel, toute subtilité et la richesse du travail corporel dans le travail thérapeutique. Nous nous sommes aussi rapidement rendu compte de la difficulté de l'entreprise et nous avons donc pris le temps de la réflexion, de la formation puis de la supervision pour mûrir notre projet. C’est ainsi que le groupe Snoezelen a débuté, en janvier 1998. 

 

Au fur et à mesure du développement de notre pratique, nous nous sommes aperçu du fait que l’approche se révélait intéressante dans des indication particulières. Elle permet de proposer une activité y compris aux patients les plus passifs, les plus régressés, voire les plus déstructurés ou désorientés. Elle est également très intéressante pour le travail auprès des patients abandonniques ou des patients marqués dans la mémoire de leur corps, ceux qui ont subi des abus ou de la maltraitance. Enfin les personnes confrontées à un trouble anxieux ou anxio-dépressif peuvent également trouver une place dans le travail au sein de l'approche Snoezelen.

 

Ouverture phénoménologique

 

Mais sans doute ne savez-vous toujours pas trop bien en quoi consiste Snoezelen? Un premier élément sur lequel il convient d'insister est que Snoezelen est une activité très ancrée dans le concret. 

 

  • Il offre à la personne qui s’y plonge des stimulations sélectives et une réalité 

orientée vers la perception sensorielle par le biais de la lumière, du bruit, du toucher, de l’odorat, du goût, etc.

-    Il porte l’accent sur la perception sensorielle au sens large : extéroceptivité, 

intéroceptivité, viscéroceptivité, proprioceptivité, etc... 

  • La dimension  corporelle y est comprise comme un élément concret  vecteur 

de l’ouverture au monde des objets, au monde de la rencontre interpersonnelle et au monde intérieur

  • La sensorialité  (tactile, auditive, visuelle, olfactive, gustative, etc…) y est  

comprise comme une voie de communication primitive privilégiée. 

 

 

Des attitudes non verbales facilitatrices

 

Cette activité repose sur plusieurs conditions nécessaires. Snoezelen demande :

 

  • d’être adapté dans l’espace

  • d’offrir une durée et une atmosphère adéquate

  • de respecter des attitudes et un accompagnement non directif

  • de respecter l’autodirectionnalité de la personne, c’est à dire son rythme, ses répétitions, son mode d’expression, et ses choix. 

 

Il convient de bien comprendre que dans Snoezelen, c’est avant tout « l’environnement qui propose et s’offre à la rencontre ». Agissant sur un mode non verbal, l ‘accompagnant n’intervient que « pour faciliter la découverte de l’activité »(2). Les attitudes de base (5)mises en œuvre par l’accompagnant s'écartent de toute recherche d'un résultat imposé. Elle veillent à :

 

*    éliminer toute dimension de pression. Snoezelen est un espace de liberté 

dans lequel les notions d’ordre, de sanction, de menace, de jugement, de conseil, d’évaluation, de norme ou de conditionnement n’ont pas de place. Les attitudes non-verbales qui y sont déployées tentent de ne pas être interventionnistes, ni directives, ni volontaristes, ni intrusives, ni évaluatives

  • éliminer toute notion de prise de distance trop importante. La séance Snoezelen sert de cadre précis, contenant. Les consignes de l'atelier tentent de ne pas retrancher l'accompagnant derrière un quelconque ordre vague. Le caractère non-verbal oblige à observer de façon très stricte sans se réfugier dans des explications ni surtout dans des interprétations. Snoezelen propose un espace de liberté dans lequel l'autodirectionnalité de la personne peut trouver un terrain d'expression privilégié. 

  • favoriser le contact et la présence. Il s’agit de la  recherche d’une 

position d’équilibre interpersonnel délicat. Cet équilibre subtil est sans cesse à rétablir entre les attitudes de pression d’une part et de retrait d’autre part. Dans le non-verbal, les notions de juste proximité et de juste distance exigent une observation et évaluation empathique constante. . Le respect de la bulle d'intimité personnelle de chacun est important à évaluer en permanence. La dimension non-verbale de l'activité nécessite que celui qui accompagne la séance le fasse dans le plus grand respect des espaces et des rythmes interpersonnels (s'approcher - se toucher - s'éloigner ). 

 

 

Le respect de la personne est contenu dans ce cadre d'attitudes. On peut y reconnaître le refus de toute normativité, le refus du rendement à tout prix, le refus de tout jugement de valeur. Le respect étant la notion fondamentale, Snoezelen met ainsi la relation humaine au service d'un mouvement de personnalisation.  Ce mouvement n'étant pas un privilège réservé, tout homme y a droit. Il s'agit de rejoindre la part d'humanité en chacun qu'il soit même le plus passif, le plus mentalement déficient, le plus original, le plus craintif, etc.  

 

 

Une approche psycho-motrice relationnelle

 

De fait de leur handicap, du fait de l’anxiété, du fait d’une perte de contact avec la réalité, du fait de la mise en place de mécanismes de défense rigidifiés ou même de phénomènes dissociatifs , les patients que nous rencontrons vivent, comme diraient d’aucuns, sur une autre scène. Cette scène est parfois très lointaine tant elle possède une logique propre et procède d’une angoisse  ou d’une rationalité peu commune, différente. Comment y accéder ? Comment les y rejoindre ?

 

Au départ conçue pour un travail avec le handicap, l’approche a été confrontée au fait que des personnes possédant un faible potentiel intellectuel n’ont pas développé un système de pensée conceptuel / cognitif ou hypothético-déductif  abouti. D’autres, par exemple, atteintes de démences séniles, ont perdu  ce potentiel qu’elles avaient acquis.

 

Snoezelen s’inspire de la mise en œuvre d’une approche psychomotrice relationnelle reposant sur une théorisation psychogénétique du développement de la personnalité. L’approche exploite la sensorialité comme un moyen utile pour stimuler les possibilités relationnelles non-verbales (quête sensori-motrice imitation, jeu, ruptures d’équilibre, émotivo-tonicité, sécurité de base, etc).(5)

 

Snuffelen – Doezelen – Snoezelen

 

Snoezelen est un terme inventé. Il s’agit de la contraction de deux mots : snuffelen et doezelen.

 

  • Snuffelen indique la dimension d’exploration, la modalité dynamique de la 

recherche, du mouvement. Dans un environnement et une attitude propices, chacun peut s’ouvrir à des expériences sensorielles mais non conscientes  pour autant :  les odeurs, les textures, les bruits subtils, les vibrations du sol, la chaleur de son propre corps, etc.

  • Doezelen indique cette dimension de relâchement. Il est question d'une baisse du tonus vers le relâchement. Il faut en retenir l’aspect du bien-être, de la détente, de la douceur. 

 

C’est ainsi que le groupe de la clinique Sans Souci s’intitule également groupe exploration-détente.

 

Ces deux aspects indiquent bien combien le tonus postural est important dans le cadre de Snoezelen. Le système neurovégétatif et l'ensemble des réactions et sensations physiologiques internes sont perpétuellement en lien avec la sphère psychique. Les émotions telles la peur, la joie, la colère s'expriment dans une tonicité corporelle que nous n'avons pas l'habitude d'observer car nous n'y sommes pas habituellement consciemment présents. Il en est de même pour le tonus exprimé dans les états d'inquiétude, dans l'anxiété, dans la dépression. Snoezelen est un espace dans lequel les états neurovégétatifs et le tonus de base peuvent être expérimentés, vécus, ressentis, mis à disponibilité, accompagnés. L'ouverture à cet espace physiologique interne s'exprime dans les actes posés, dans les émotions vécues, dans des souvenirs et des images qui reviennent à l'esprit, etc. Snoezelen permet ainsi idéalement à chacun de déployer un chemin de découverte de son espace personnel propre. Il permet de se mettre en présence de son monde interne, de prendre conscience de l'espace de son corps, du contact avec soi-même et de la place des autres dans cet espace. Via une situation de détente et une baisse du niveau de tonicité l'exploration du monde phénoménologique propre à la personne peut se faire sans un recours absolument nécessaire à la symbolisation langagière. Il s'agit bien d'une mise en présence expérientielle à soi-même.

 

 

But ou moyen ?

 

La définition que nous avons reprise dans l’encadré au début de ce texte énonce clairement les buts escomptés. Ces buts sont  volontairement présentés d’une façon hiérarchisée :

  • sécurisation, 

  • réduction des tensions

  • motivation à l’action

  • réalisation de son être. 

 

Une sécurité de base minimum est nécessaire au relâchement des tensions (7). 

De même, le relâchement des tensions est nécessaire à la motivation d’une action bien posée et pleinement vécue, intégrée, expérimentée. Quant à la réalisation de son être, ce but indique bien que Snoezelen est une approche visant le développement personnel, le bien-être. 

 

En termes d’objectifs, la notion de bien-être est ici importante à comprendre. Le travers à éviter est en effet celui de la recherche à tout prix d’une quelconque efficacité thérapeutique. Mais attention, cela n’empêche néanmoins pas que, dans Snoezelen, nous puissions « créer ou  déceler des situations thérapeutiques ». (2)   Simplement, en cours de séance, si des changements thérapeutiques interviennent, ils sont donnés de surcroît. La séance se déroulant sans paroles, ces changements se produisent le plus souvent à l’insu même de  l’accompagnant.

Dans notre expérience du groupe Snoezelen de la clinique Sans Souci, l’aspect thérapeutique provient plus du débriefing que nous faisons avec les patients en fin de groupe. Chacun est alors invité à exprimer ce qu’il a vécu durant la séance. L’aspect thérapeutique découle également des entretiens individuels de préparation ou de suivi que nous pouvons avoir avec certains. L’approche des écoutants n’est alors pas différente de celle mise en œuvre lors d’un entretien individuel ou lors d’un groupe de parole classique (3). Les attitudes de base que nous avons décrites plus haut dans ce texte restent valables.

 

Quoi qu’il en soit, un but tel que celui de la réalisation de son être n’est pas à envisager comme un but final ou comme une forme qui pourrait une fois pour toutes se voir aboutie. Il s’agit plutôt de comprendre ce but comme l’initialisation d’un mouvement d’évolution personnelle, d’un processus d’ouverture. 

 

Le cadre Snoezelen facilite la dynamique relationnelle  dans ces trois directions phénoménologique que sont l’ouverture au monde, à soi, aux autres. Il offre à la personne un cadre concret et une possibilité d’expérimenter intensivement ses propres aptitudes personnelles d’ouverture au monde, à soi-même et aux autres. 

 

Un cadre expérimentiel

Nous espérons à travers ce  texte avoir bien pu faire comprendre l’aspect expérientiel que Snoezelen propose dans sa démarche. Cette approche psycho-corporelle est ici appliquée selon les principes de la non-directivité et de l'approche centrée-sur-la-personne.

 

 

Notes :

 

  1. Cette définition est celle proposée par un groupe de travail composé de B. Baudenne, D et  Dumay (IMP de Hemptinne -Jauche), J-P Martin (Les Perce-Neiges – Jambes) , M. Thiry (Kinésithérapeute - Psychomotricien – Formateur) et J-M Priels  (Clinique Sans Souci-BXL)

  2. Verheul, A., Husselge, J., Soezelen. Un autre Monde, 1989 , Ed. Erasme, Namur, 179 p. Cet ouvrage de référence se trouve dans la bibliothèque de la clinique. 

  3. Priels, J-M; Michel, Y., Propos - et propos - d'un groupe de parole en hôpital psychiatrique, Le journal de l'AFPC, 1997, n°2, pp. 9-12.

  4. Wiltschko, J., Focusing Therapy. Some Fragments i with the Whole Can Become Visible, Huttere R., Pawlowski G., Schmid P., Stipsits R., Client-centered and Expriential Psychotherapy. A Paradigm in Motion, Peter Lang, Wien, pp. 145-162

  5. A propos des attitudes présentées dans les trois paragraphes ci-dessous, voir Peretti, A. de, Libertés et relations humaines ou l’inspiration non-directive, Epi, 7ème. Edit., 1976, pp. 274-279 et p. 253. 

  6. Nous avons résumé ici une partie du contenu théorique des formations que nous avons suivies avec Marc Thiry au C.F.P.J.T. à Namur.

  7. C’est un des enseignements de l’haptonomie. 

SNOEZELEN

LES FONCTIONS HUMANISTES 

ET EXPERIENTIELLES DE L’APPROCHE

 

Centre de Formation Pierre Joseph Triest

Forum Snoezelen 

27 novembre 2003

LA  VAGUE EXPERIENTIELLE 

 

(Crombez, 1999)

 

 

  • dans les années 1960 émerge un courant aux Etats-Unis 

 

  • non axé sur la pathologie

 

  • axé sur le développement personnel, la croissance, la transformation personnelle

 

  • axé sur l’ouverture à l’existence, la quête de sensation et de sens existentiel

 

  • abandon du schéma de suppression des symptômes et de la résolution des conflits 

 

 

UNE PHENOMENOLOGIQUE HOLISTIQUE

 

 

 

La vie est un processus de création rendu possible par un échange constant 

 

 

  • entre la personne avec son environnement 

 

  • entre les besoins internes et les stimulations externes

 

  • entre les différentes parties en soi.

 

 

 

Contact          avec soi-même              affectif

                      avec le monde               réalité

                      avec les autres               communicationnel

 

 

 

Dimensions écologique interactionnelle interpersonnelle subjective

 

La démarche =  un processus 

- de croissance

- d’exploration

- de re-liaison

 

 

 

Fonction de protection

 

La personne a dû suspendre ses expériences pour survivre.

 

Le lieu de la démarche va permettre leur reprise sans le danger de mort qui leur a jadis été associé (Crombez)

 

La personne n’a pas rencontré les conditions de sécurité suffisantes pour se développer pleinement

 

       La démarche offre un espace-temps et des attitudes de 

sécurisation, de réduction des tensions, de motivation à l’action, de réalisation de son être

 

La personne dispose de déficiences et n’a pas les capacités suffisantes pour se développer sans handicap sur les plans psychologiques, médicaux et sociaux

 

       La démarche respecte les besoins particuliers et offre un 

espace-temps et des attitudes adapté au seuil d’efficacité 

de la personne accompagnée

 

 

Fonction de soutien

 

 

Lorsque les expériences sont revécues, une perception douloureuse peut apparaître et être vécue aussi intensément que lors de l’événement originaire.

 

 

Lorsque l’apprentissage est limité par le handicap, la régression, la passivité.

 

 

La présence de l’accompagnant soutient le sujet dans sa démarche d’exploration et d’ouverture au monde 

 

La présence de l’accompagnant respecte les potentialités 

du stade de développement psychogénétique atteint par la personne

 

 

Fonction d’unification

 

 

L’expérientiel inclut dans le même mouvement le corps et l’esprit.

 

Le fait que les corps de l’accompagnant et de l’accompagné se manifestent durant les interventions n’est pas à placer dans l’ordre des passages à l’acte, mais dans celui du déploiement d’un vécu subjectif.

 

 

Fonction d’exploration

 

 

La démarche est active, proposant des expériences comme véhicules d’expression du présent, lui-même lieu de souvenirs, afin de permettre la reprise du processus de croissance ou afin de lui permettre de se développer plus pleinement.

 

Fonction de signification

 

Il est essentiel qu’un travail d’associations accompagne les expériences vécues, pendant ou entre les phases d’exploration

 

Il ne s’agit pas, pour le sujet, de rechercher un ordre historique, mais bien de trouver une vérité intérieure

 

Il s’agit d’asseoir l’ancrage dans la réalité dans quelque chose de partagé au moyen de la parole

 

Les méthodes expérientielles

 

  • sont moins des traitements que des démarches, des approches, des processus

 

  • sont de l’ordre du cheminement intérieur de la personne pour lequel l’accompagnant met en place les conditions propices

 

  • sont centrée sur la personne en soi et ne sont pas déterminées par le type de souffrance ou de maladie ou de handicap

 

  • participent d’un « travail » plus que d’un outil médical

 

 

Conditions d’un apprentissage expérientiel

 

(H. Bernard et coll. - 2003)

 

  • nécessite l’engagement actif de soi, l’investissement du moi dans l’expérience

 

  • nécessite une prise de contact avec la réalité

 

  • nécessite une action réciproque, un transaction entre la personne et son environnement

 

  • nécessite qu’on accorde autant d’importance aux états subjectifs qu’aux conditions objectives environnementales

 

  • nécessite un moment d’arrêt réflexif en cours d’action

 

  • nécessite que l’expérience vécue par l’individu soit en continuité avec son expérience antérieure et son expérience ultérieure

 

  • nécessite une initiative de l’apprenant

 

  • est un apprentissage en profondeur au point de changer quelque chose dans le comportement et les attitudes de l’individu

 

  • doit essentiellement être évalué par l’apprenant lui-même

 

PEDAGOGIE EXPERIENTIELLE

 

 

 

Conception de l’éducateur : créateur d’environnement :

 

  • riche et varié

  • axé sur la croissance personnelle

  • à partir des besoins de l’apprenant

  • proposant des tâches complètes et signifiantes

  • libre

 

Conception de l’apprentissage :

 

  • par découverte personnelle

  • par découverte collective

  • par exploration

  • a partir d’un contenu global

 

Conception de l’évaluation

 

  • est inexistante 

-

Quel est mon besoin ? 

 

Est-ce vraiment ce que je veux ?

 

Est-ce moi qui le veut ou quelqu’un d’autre à travers moi ?

         

Que se passera-t-il si je ne le satisfait pas ?

 

Que pourrais-je faire d’autre à la place ?

 

   Processus d’évaluation organismique

 

 

  • tout individu en train de s’actualiser possède un processus d’évaluation interne ou d’auto-régulation

 

  • change et évolue selon des critères jamais fixes ni rigides

 

  • se modifie constamment en fonction de la conscience d’une partie de l’expérience vécue et de la satisfaction des besoins qui s’y rattache

 

  • autrement dit l’expérience est évaluée en tenant compte des besoin de conservation et d’enrichissement de l’individu, tant au niveau de son organisme que de son Moi

 

  • la tendance à l’actualisation sert ainsi de critère au processus d’évaluation organismique

 

Conception de l’apprenant

 

  • est actif

  • choisit lui-même son activité

  • a une motivation intérieure issue de ses besoins et de croissance personnelle

 

Tendance à l’actualisation

 

  • énergie de croissance propre à tous les êtres vivants

 

  • l’être humain tend à se conserver et à s’enrichir pour autant que son environnement réponde favorablement à ses besoins biologiques et psychologiques

 

  • cette tendance innée peut-être défavorisée, freinée ou même bloquée chez l’individu atteint par des interventions physiques ou psychiques de l’environnement

 

  • cette tendance innée peut-être détournée vers des manifestations bizarres, anormales, destructives

 

  • agit au niveau de l’organisme tout entier

 

  • s’exprime au niveau du Moi

 

Five basic postulates of humanistic psychology

 

 

 

1/    Human beings, as human, supersed the sum of their parts. They can not be reduced to components.

 

2/    Human beings have their existence in a uniquely human context, as well as in a cosmic ecology.

 

3/    Human beings are aware and aware of being aware –i.e. they are conscious. Human consciousness always includes an awareness of oneself in the context of other people.

 

4/    Human beings have some choice and, with that, 

responsability.

 

5/    Human beings are intentional, aim at goals, are aware that they causefuture events, and seek meaning, value, and creativity.

 

 

 

(Adapted by Tom Greening from J.F.T. Bugental’s – Journal of humanistic psychology)

Snoezelen

C’est le contact… C’est la vie !

 

Texte présenté par Jean-Marc Priels lors du Sixième Forum Snoezelen organisé par le Centre de Formation Pierre-Joseph Triest,, l’ASBL Mouvements, Corps et Âme et l’Institut Provincial de Formation Sociale

à Namur le 25 novembre 2004.

 

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Un forum Snoezelen exceptionnel

 

Vous l’aurez d’emblée perçu, ce forum est celui d’un retour aux sources. Nous sommes très honorés aujourd’hui de la présence parmi nous d’Ad Verheul et de Jan Hulsegge (1) qui nous ont parlé ce matin de l’aventure des débuts, des origines du Snoezelen, de ses développements techniques et des questions scientifiques qu’il soulève. En Wallonie, depuis de nombreuses années, notre pratique et notre parcours formation se sont approfondis avec Marc Thiry au sein de l’asbl « Mouvement – Corps et Âme » en collaboration avec le Centre de Formation Pierre-Joseph Triest (CFPJT). Désormais la formation se décline aussi avec Mireille Delstanche, Marie César, Jean Ben Aïm et moi-même au sein de l’Institut Provincial de Formation Sociale de l’Enseignement de la Province de Namur (IPFS de l’EPNam) (2). La rencontre d’aujourd’hui avec Ad et Jan est pour nous historique. C’est pourquoi cet après-midi nous sommes particulièrement heureux de partager un peu de notre expérience non seulement avec vous tous mais aussi avec Ad et Jan. Nous espérons que, malgré leur longue trajectoire avec Snoezelen, nous aurons pu leur en faire découvrir encore de nouveaux aspects : Snoezelen, c’est le contact… c’est la vie

 

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L’énigme de la rencontre

 

J’aimerais vous présenter tout d’abord quelques réflexions personnalistes qui nous permettront, je l’espère, de comprendre pourquoi nous sommes aujourd’hui, une fois de plus, si nombreux à être là rassemblés dans le partage d’une même pratique, celle du Snoezelen.

Dans un premier temps, permettez-moi de ne prendre aucun risque et de vous dire des choses dans lesquelles nous nous reconnaîtrons tous bien volontiers. En effet, si nous sommes ici, vous en conviendrez, c’est parce que tous, vous autant que moi, par vocation, par choix ou par nécessité professionnelle, nous sommes désormais habitués à fréquenter des personnes pour la plupart peu autonomes ou dépendantes, et auxquelles on attribue volontiers nombre de perturbations, de déficiences, d’incapacités ou encore de handicaps. Oh bien sûr, ce n’est là en effet qu’une partie de ce qui caractérise la réalité de ce que vivent ces personnes. Et d’ailleurs, la réponse au pourquoi de notre venue ici n’est pas seulement liée à la volonté d’acquisition de nouvelles connaissances, ni à la nécessité d’entraîner notre capacité à planifier des soins! Non ! Non ! Non ! Non ! Non ! Non ! Si nous sommes là, c’est bien parce que nous avons appris à rester en éveil face à la différence du visage de l’autre. C’est bien parce que nous avons développé un regard empreint d’attention, une écoute ouverte à ce qui s’exprime sans nécessairement se dire, une vigilance particulière pour répondre aux interpellations particulières qui nous sont lancées par ces personnes particulières avec lesquelles nous travaillons. Pour reprendre le philosophe personnaliste Emmanuel Levinas, nous dirons que nous sommes rassemblés parce que nous partageons les mêmes attitudes sensibles au fait que « rencontrer une personne veut dire être tenu en éveil par une énigme » (3, 4). Mais quel est donc le fond de cette énigme qui réveille en nous le cadeau toujours renouvelé de la présence ?

 

 

Snoezelen c’est le contact !

 

Pas moins qu’il y a quelques semaines, lors d’un séminaire qui se tenait à Paris, j’écoutais encore Garry nous raconter son histoire. Elle se déroule dans le contexte des Etats-Unis juste après la guerre. C’est aussi l’histoire de son frère Bobby malade schizophrène et arriéré mental. Garry était encore jeune quand le handicap de Bobby a fini par diviser une famille qui s’est disloquée à force de violence, ses parents se renvoyant l’un l’autre la responsabilité d’une hérédité familiale insupportable pour eux. Il est alors parti vivre chez sa grand-mère et n’est plus jamais revenu chez lui. Quant à son frère, il fut placé dans une institution psychiatrique de l’état américain pour le reste de sa vie. Les souvenirs que Garry garde de son frère sont empreints de beaucoup de douleur et aujourd’hui sa peine est trop intense pour qu’il cherche à reprendre contact avec lui. Dans l’histoire de vie dont il nous fait part et dans ses écrits (5), Garry se souvient bien entendu de son enfance et de son frère Bobby assis sous le proche de la maison en se balançant d’avant en arrière, la tête entre les mains. Il se souvient avec précision du coin de la maison dans lequel il restait assis, seul, pendant des heures. Le soir, avant d’aller au lit, il pouvait l’entendre chanter dans sa chambre. Il chantait, toujours et encore, seul, les deux mêmes chansons. Bien des années plus tard, Garry est devenu psychologue et professeur à l’université. Il y a quelques jours à peine, il vient de recevoir les mérites de la société psychologique de Chicago pour sa grande carrière. Tout est parti pour lui de ce qu’il qualifie comme une expérience formative survenue dans sa vie alors que son frère avait environ dix ans. Garry se souvient en effet d’un bouleversement radical le jour où, jouant comme à son habitude avec un ami devant Bobby qui se tenait dans un coin de la pièce, cet ami lui dit qu’ils pouvaient parler à l’aise sans prendre attention à Bobby car « de toute façon il ne comprenait rien ». Oui mais voilà… cette fois-ci, Bobby a pris la parole pour dire « Garry you know I do » (Garry, tu sais que je comprends). Ce jour-là, dit Garry dans un vocabulaire qui parle encore de son frère comme d’une chose inerte, j’ai compris « There was somebody inside » (Il y avait quelqu’un à l’intérieur). Vous aurez compris : ce jour-là fut celui de la première vraie rencontre de Garry avec son frère… Elle s’est produite dans un instant d’humanité… Cet instant a suffi pour qu’il reconnaisse son frère comme étant une véritable personne, une personne à part entière…Cet instant a suffi pour orienter ensuite toute la carrière professionnelle que Garry a dédiée au contact vigilant et respectueux de l’autre… de la vie et de son mystère… Dans la théorie qu’il a élaborée (6) et qui lui vaut désormais la reconnaissance de ses pairs, la personne handicapée, malade mentale n’est jamais vue comme telle. Elle est plutôt regardée comme une personne ayant des besoins particuliers… des besoins de contact particulier. Tout comme pour ce qui concerne l’art dont parle Garry Prouty, par analogie donc, nous dirons que tout l’art de l’accompagnant Snoezelen est d’être créateur de contact, de venir offrir le monde et sa réalité à celui qui, dans ses limites, ne peut la saisir, de s’engager dans la proximité de la relation humaine. Snoezelen : c’est le contact. Pour reprendre une expression d’Emmanuel Mounier : « C’est la relation vivante : moi-parmi-les-autres, moi vers autrui et autrui vers moi (7) ». Les exemples filmés d’aujourd’hui vous auront, j’en suis certain, à nouveau convaincus que Snoezelen n’est possible que pour celui qui est prêt à oser le contact, la proximité, la rencontre intérieure. En institution, c’est tout un art que de s’en donner le temps, de s’en offrir les opportunités, d’en cultiver l’espace et le temps. Pour reprendre Saint-Exupéry, « l’énigme trouve sa solution dans la relation humaine. Elle est le seul luxe véritable » (8).

 

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C’est quoi, une personne ?

 

Il y a quelques instants, au fil des mots, je vous parlais d’une notion dont nous sommes tous familiers : la notion de personne. Avez-vous déjà songé à ce que cela signifie ? C’est quoi une personne, fût-elle malade, handicapée, et à tous les âges de la vie ? Je faisais aussi référence à Emmanuel Mounier. Ce philosophe de la famille personnaliste consacre de nombreuses pages à cette question. Nous allons fortement nous en inspirer et le citer parfois de façon littérale dans l’exposé qui suit. 

 

L’espace et le temps

 

Une caractéristique première de la personne c’est d’abord d’être incarnée dans l’espace et le temps. Nous autres ici présents, qui pratiquons le Snoezelen, savons combien « l’espace et le temps sont les lieux (discrets) du déploiement de la personne ». « Notre destin est un destin spatial et temporel ». Il y a « impossibilité de poser le moi en-dehors de ses conditions d’existence spatiale et temporelle » - ici et maintenant – vécu du dedans – Je me tiens au coeur de l’espace, comme au centre de la sphère de mon activité, toutes choses s’ordonnant en disposition rayonnante autour de moi. Le monde commence là tout près de moi. Normalement je sens devant moi un certain jeu d’espace où je respire. Je suis lié à la vie qui m’entoure mais aussi je m’en sens indépendant dans une certaine mesure, et dans cette indépendance il semble y avoir de la spatialité. Il y a toujours devant moi comme de l’espace libre dans lequel peuvent sans encombre s’épanouir mon activité et ma vie. A la limite de l’espace et de la durée, nous trouvons enfin les sentiments de présence et d’absence, où situation dans l’espace et rapport au temps vécu sont intimement mêlés : est présent ce que je peux atteindre maintenant, absent ce qui est hors de portée de ma perception actuelle. Il est des êtres qui nous donnent le sentiment de « n’être jamais là ». D’autres au contraire, s’imposent presque avec insolence sitôt qu’ils apparaissent. Les êtres fortement présents le sont souvent de la manière la moins préconçue qui soit : ils communiquent immédiatement par la chaleur de leur sympathie ou de leur compréhension. Nous-mêmes, nous nous percevons de l’intérieur comme inégalement présents aux choses et à notre entourage.

 

 

 

Le corps 

 

Il est remarquable que Mounier s’attarde ensuite à définir la personne directement en rapport avec son « corps ». « La manière dont s’affirme le moi (d’une personne) dans le monde, dit-il, se traduit par le rapport qu’il accepte avec le premier et le plus intime des objets qui s’offrent à lui : son corps ». « La personnalité naissante s’exprime, dit-il, par le geste avant de s’exprimer par la parole et ce avant même, chez l’enfant, de prendre pleinement conscience de soi ». « Il n’est pas, chez l’homme, de réflexe élémentaire qui n’ait, par une dérivation corticale, quelque liaison au psychisme supérieur ; il n’est pas d’acte mental qui n’ait sa répercussion jusque dans les activités automatiques et végétatives ». 

 

 

Le mouvement

 

Il est remarquable qu’il s’attarde à définir la personne directement en rapport avec le « mouvement ». Le moi d’une personne, dit Emmanuel Mounier, « a longtemps été étudié par les psychologues comme un objet parmi les autres ». « La psychologie s’est souvent déclinée à la troisième personne ». « Ce n’est que tardivement que l’on a vu son développement dans le sens d’une psychologie à la première personne ». Or la personne « ne peut être qu’une expérience dans laquelle un sens personnel est donné au mot exister ». « Le moi est vécu, et n’est connu adéquatement que dans son activité vécue ». Dans notre pratique du Snoezelen, nous expérimentons d’ailleurs constamment combien l’ambiance est ambiance vécue et ce caractère vécu se déroule, s’écoule. « La personne, dit ainsi Mounier, n’est pas une architecture immobile ; elle dure, elle s’éprouve à longueur de temps. Sa structure est à vrai dire plus semblable à un développement musical qu’à une architecture, car elle ne peut se figurer hors du temps. La personne, son corps, sa mélodie motrice ancrée est toujours incarnée dans l’ici et maintenant d’un présent personnel. La personne malgré l’immobilité qui la renouvelle sans cesse est inséparablement porteuse de son passé personnel. » « C’est pourquoi on ne peut comprendre une situation psychologique indépendamment de l’histoire du sujet ». Et nous savons, nous tous qui travaillons avec des personnes handicapées, malades, vieillissantes, etc., combien toute personne « garde des traces de son développement, comme le corps garde les stigmates de ses maladies et de ses chances ». 

 

 

L’intériorité – L’âme

 

Il est remarquable enfin que Mounier s’attarde à définir la personne, son corps et son mouvement, en rapport avec son espace d’intériorité (son âme). « L’homme, dit-il, est appelé à prendre possession de l’espace comme il est appelé à prendre possession de lui-même ». La personne « court en même temps deux aventures : l’une en profondeur, l’autre en expansion, dans l’ampleur de l’espace. ». 

 

La personne dans l’espace et le temps est donc Mouvement – Corps et Âme (9).

 

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Le tic tac de l’organisme – Autorégulation - Tendance actualisante

 

Mais laissons un moment la philosophie de côté. Je voudrais désormais vous expliquer en quoi le fait que la personne soit corps et mouvement participe d’un principe de vie universel. Je me baserai ici, souvent littéralement, sur les écrits et les dires de Carl Rogers (10, 11). Cet auteur fut avec Abraham Maslow (12) l’un des plus influents parmi les psychologues du courant humaniste américain. Pour notre propos, nous retiendrons qu’il affirme que « la vie est un processus actif et non passif ». Comme Mounier, il rappelle en effet que la personne humaine est mouvement tout comme la vie est un processus d’écoulement où rien n’est fixe. Elle est ainsi en continuel devenir. C’est au cœur, dit-il, du mystère touchant à ce qui permet à l’organisme de faire tic-tac que se trouve un secret important : l’organisme est autorégulé. Avez-vous déjà songé au fait que dans chaque organisme, à quelque niveau que ce soit, il existe un mouvement en profondeur qui pousse cet organisme vers l’accomplissement constructif de ses capacités inhérentes. L’expression la plus couramment utilisée pour désigner ce phénomène est la « tendance actualisante ». Elle est présente dans tous les organismes vivants. Pour comprendre, comment expliquer ceci en référence à des notions proches du Snoezelen ?

 

 

L’équilibre actif

 

Tout d’abord, rappelons nous, dit Carl Rogers, que les travaux effectués dans le domaine de la privation sensorielle tendent à démonter combien est forte la tendance organismique à amplifier les diversités, à créer des informations nouvelles et de nouvelles formes. Certes, la réduction de tension ou l’absence de stimulation n’est de loin pas l’état désiré de l’organisme. Il est clair que lorsqu’une personne ne reçoit que le minimum absolu de stimuli externes, elle est soumise à un flot expérientiel dont le niveau est très loin du champ expérientiel quotidien. L’individu ne tombe jamais en homéostasie, en équilibre passif.

 

La créativité

 

Secundo, réfléchissons à ceci : que le stimulus provienne de l’intérieur ou de l’extérieur, que l’environnement soit favorable ou non, les comportements d’un organisme vont toujours dans le sens du maintien, de l’intensification, de la reproduction. Le besoin d’explorer et de reproduire des changements dans l’environnement, le besoin de jeu et d’auto-exploration, et bien d’autres comportements encore, sont fondamentalement des expressions de la tendance actualisante. En bref, les organismes sont toujours en train de chercher, en train d’entreprendre « sur le point de faire quelque chose ». Cette tendance actualisante peut prendre la forme de comportements très divers en réponse à une très grande variété de besoins de l’organisme. (…)

 

L’expression d’un mouvement de vie

 

Tertio, c’est la présence ou l’absence de ce processus directionnel de la tendance actualisante qui permet de dire si un organisme donné est vivant ou s’il est mort. Si elle peut, bien sûr, être contrecarrée ou déviée, mais elle ne peut pas être détruite sans détruire l’organisme. Certes la tendance actualisante peut-être contrecarrée ou pervertie : ainsi des individus dont les existences ont été entravées, ou traumatisées. Leur tendance directionnelle vers la croissance demeure. Quelle que soit la richesse de leur réalisation… « La vie n’accepterait pas le renoncement, même si elle ne peut que très faiblement s’épanouir ».

 

 

D’une façon générale, vous l’aurez compris, cette tendance est l’expression du mouvement de vie (13) à l’œuvre dans l’univers. Toute l’œuvre de Theillard de Chardin insiste sur ce courant de personnalisation à l’œuvre depuis la genèse de l’univers et qui en est le sens ultime. Cette force est opérante à tous les instants. Elle est la source centrale de vie et d’énergie dans l’être humain. Le substrat de toute vie, si petite soit-elle, a de la valeur en ce sens qu’elle est l’expression d’une tendance vers l’accomplissement. On peut compter sur elle. Il est essentiel de ne pas céder au désenchantement du monde : nous sommes au cœur d’un système de création et non de désintégration.

 

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La confiance en toute force d’avenir et de vie

 

Pour terminer, laissez moi vous vous faire un peu part de mon expérience de psychothérapeute guidé par le fil rouge de la parole et l’écoute. Ceux parmi vous qui ont pris part à la formation à l’approche Snoezelen qui se déroule ici à l’IPFS de l’EPNam savent que cette formation débute toujours par un groupe de parole. Dans la rencontre et l’écoute empathique de paroles personnelles, nous partons alors à la découverte de l’intériorité de chacun, des valeurs de vie. Nous explorons la nécessité de congruence, d’authenticité, de transparence, d’acceptation, de regard positif face à la différence… Il y a là tous les ingrédients nécessaires au travail le plus souvent non verbal de l’accompagnant Snoezelen… Pour terminer, permettez-moi donc de vous lire un texte que j’ai écrit il y a quelques mois après avoir facilité, à l’hôpital, un groupe d’une incroyable densité. L’intériorité de chacun y était lisible et se donnait à entendre avec toute la douleur qu’elle traduisait. A travers cette expérience d’écoute…vous y retrouvez la confiance inconditionnelle du Snoezelen en toute force d’avenir et de vie… et la nécessité de rester ouvert à l’éveil confiant de l’énigme et du miracle de la relation humaine. Je fais donc ici le pari que dans ce texte, vous reconnaîtrez bien des personnes que vous accompagnez dans la démarche Snoezelen.

 

 

Si d’aventure un morceau d’enfance amère

Une inéluctable relance lancinante

 En était venu à vous accompagner sans relâche

Et qu’il vous fallait bien vivre 

Sans plus espérer pouvoir effacer le mal ni colmater l’ineffable

 

Alors vous le savez

Plus rien n’enlèvera rien à rien.

Si depuis toujours vous croyez avoir pu vous endurcir

Et contraindre ce qui suinte et revient sourdre

En résistant encore à d’ultimes tentatives 

Pour refermer à nouveau les portes du passé

 Les tiroirs du regret

 

Alors vous le savez

Plus rien n’enlèvera rien à rien.

 

Si déjà peu après le commencement 

Comme un fruit flétri mûri en culture d’émotions violentes

Vous étiez marqué d’une blessure restée vive d’effroi

Et que c’est à mesure d’avalement, de retenue et de contrôle

Que vous avez acquis la force de rire du pas drôle

 

Alors vous le savez

Plus rien n’enlèvera rien à rien.

 

Mais si malgré tout, aujourd’hui éclatant devant la vérité, 

Sans choisir de prolonger la douleur ni le bouleversement,

Vous êtes clairvoyant du vrai et des clameurs du faux-semblant

Et pouvez contourner le piège écorché de la douleur victime

Pour être plus grand que vos deuils

 

Alors vous le savez

La violence n’est plus jamais inévitable.

 

Et si parfois sans crier gare au corps des émotions intactes

Instantanément pris au vif du partage vous entrevoyez soudain

Une bribe de l’intériorité dont vous êtes la source

Et qu’il devient possible de penser à vous-même autant qu’aux autres

Pour oser vivre avec le cœur ouvert

 

Alors vous pourrez inventer ce qui n’a pas été vécu

Et vous distribuer à tout rompre.

 

 

Snoezelen … c’est le contact   Snoezelen … c’est la vie

 

 

Notes

 

(1) Hulsegge, J., Verheul, A., Snoezelen. Un autre monde, Namur, Erasme, 2eéd. revue et augmentée, 2004. 

 

(2) D’autres pôles de réflexion ou ressources de formation autour de Snoezelen existent par ailleurs. Ainsi, vous trouverez dans cette salle Madame Elisabeth Renard (maman d’une personne polyhandicapée et représentante de l’AP) qui a récemment revu avec Brigitte Baudenne (Orthopédagogue à l’IMP de Hemptinne de Jauche et formatrice) la traduction qu’elle avait auparavant effectuée du livre de Ad Verheul et Jan Hulsegge.

 

(3) Levinas, E., L’humanisme de l’autre homme, Paris, Fata Morgana, 1973.

 

(4) Schmid, P. F., Interpellation et réponse. La psychothérapie centrée sur la personne : une rencontre de personne à personne (Anspruch und Antwort. Personzentrierte Psychotherapie als Begegnung von Person zu Person. Eine deutschsprachtige, gekürzte Fassung findet sich in Keil, W./ Stumm, G. (Hg.), Der Personzentrierte Ansatz in der Psychotherapie. Die vielen Gesichter der klientenzentrierten Psychotherapie, Wien, 2001), Trad. O. Zeller et J-M. Priels, Mouvance Rogérienne, 2001, n°24, pp. 2-18.

 

(5) Prouty, G., Les fondements de la pré-therapie (in The Foundations of Pre-therapy, in Prouty, G., Van Werde, D., Pörtner, M., Pre-therapy. Reaching Contact-Impaired Clients, PCCS Books, 2002, pp 1-60) (Prä-therapie, 1998, Klett-Cotta) , Trad. F. Ducroux-Biass, Mouvance Rogérienne, 2004, n°7, pp. 19-78.

 

(6) Garry Prouty a développé une théorie du contact psychologique et une approche qui s’avère particulièrement intéressante pour ceux qui travaillent avec des personnes psychotiques, délirantes, hallucinées en psychiatrie, avec des personnes âgées en psychogériatrie, avec des personnes souffrant enfin d’autisme ou de handicap mental. Prolongeant les travaux de Carl Rogers, il a défini les conditions pratiques d’une technique du contact psychologique. En matière de contact, Garry Prouty insiste : « technique is easy but the art is difficult ». Notre but n’est pas ici d’exposer les apports de Prouty mais nous le citons volontiers, car il inspire fortement notre pratique quotidienne et touche la question du Snoezelen : comment rejoindre l’autre qui fait face à des difficultés de contact avec la réalité, de contact communicationnel, de contact affectif (5). Pour le secteur du handicap mental, on peut se référer aux travaux de Pörtner, M., Serieus nemen. Vertrouwen. Begrijpen. Cliëntgerichte zorg voor mensen met een verstandelijke handicap, (Ernstnehmen – Zutrauen – Verstehen : Perzonzentrierte Haltung im Umgang mit geistig behinderten und pflegebedürftigen Menschen, Klett-Cotta, 1996), Elsevier/de Tijdstroom, 1998. 

 

(7) Mounier, E., Traité du caractère, Seuil, Coll. Esprit, 1947.

 

(8) Priels, J-M., L’énigme du seul luxe véritable. Petit conte à la manière de Saint-Exupéry, Le Journal de l’AFPC, 2002, n°2, pp. 11-16 (et De Tout Cœur, 2002, n°1, pp.22-24).

 

(9) Outre le CFPJT et l’IPFS de l’EPnam, ce Forum Snoezelen exceptionnel est aussi organisé en partenariat avec l’ASBL « Mouvements, Corps et Âme » dont Marc Thiry est le président et qui coordonne certaines initiatives de formation.

 

(10) Rogers, C., Un manifeste personnaliste. Fondements d’une politique de la personne (On Personal Power, Delacorte Press, 1977) ; Dunod, 1979. 

 

(11) Rogers, C.,Les fondements de l'approche centrée sur la personne, (in Rogers C.R., A Way of Being, 1980, pp. -), Trad. Ducroux-Biass F., Vessy-Genève, AFTCP, 1991, inédit., 25 p.

 

(12) Maslow, A., L’accomplissement de soi. De la motivation à la plénitude, Eyrolles, 2004.

 

(13) Dartevelle, B., La psychothérapie centrée sur la Personne. Approche de Carl Rogers, Bernet-Danilo, 2003.

 

 

NB : Ce texte destiné aux actes du Sixième Forum Snoezelen, disponibles auprès du CFPJT et à paraître début 2005.

 

 

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